« Dans des temps pas si lointains, nous avons toutes et tous fait (faire) des photos argentiques avec des personnes que l’on a aimées : famille, ami·e·s, amours… Entre temps, la vie a fait son œuvre avec des mariages, des séparations, des ruptures, des morts. Puis, un jour, par hasard, nous sommes retombé·e·s sur ces photos, cachées au fin fond de nos tiroirs. À la vue de certaines, notre cœur a chaviré face aux réminiscences vives qui ont surgi, en rafales. Pour les plus douloureuses d’entre eux, nous avons voulu effacer les plaies encore ouvertes qu’elles provoquaient encore, après tant d’années. Nous les avons déchirées pour faire disparaître l’émotion associée à cette image. Sauf qu’avec la photo argentique, il reste toujours une trace : le négatif. Mon idée a été d’effacer le souvenir à la source, là où il peut disparaître à jamais et pour de bon, en brûlant ces négatifs.
J’ai photographié à la chambre des modèles des mannequins de vitrine (studio et extérieur) avec des négatifs 10 cm x 12 cm. Inhabituelle, cette taille m’a aidé à cibler précisément les zones à brûler avec un briquet. Comme souvent, le résultat s’est avéré très différent de ce que j’avais pu imaginer. Le négatif est tordu, boursouflé, perturbé, proche d’une œuvre d’art surréalisme. Et les tirages photos, eux, dégagent un onirisme qui questionne le regard : que voit-on dans ces formes déformées ? Quel(s) souvenir(s) cela convoque-t-il ? »